Joseph-Anne Loaisel pendant ses premières années.
Il
naquit le 19 janvier 1752
à
la maison noble de Thay en la
paroisse de Caro. Il fut baptisé le lendemain, ainsi que
l'indique l'acte
suivant:
«
Joseph Loaisel,
de nobles
gens Mathurin-Joseph Loaisel, sieur des Aulnays et de dame
Françoise Thébaud son épouse,
né
à
la maison noble du Thé (en la
paroisse de Caro) le
dix neuf janvier mil sept cent cinquante-deux, a été baptisé
le lendemain.
A
été parrain noble maître Vincent-Joseph Loaisel sénéchal de
la baronnie de Molac,
et marraine dame Anne
Clément.
Ont signé : V. Loaisel, Anne-Clément,
Angélique Guihart de
Beauregard,
Anne Aubin de la Villéon du
Bois Guéhenneuc,
Anne de la Cour,
des Aulnays Loaisel.
J.
Chotard, recteur de Caro».
Selon la tradition,
Joseph-Anne Loaisel
passa quelques années au collège Saint-Yves de Vannes situé
sur l'emplacement de l'actuel collège Jules Simon (1).
Depuis 1762, la direction de cet établissement célèbre n'était
plus assurée par les jésuites. Il fallut tout le dévouement
des prêtres diocésains de l'époque
pour les remplacer et y maintenir une excellente direction.
Le même système d'éducation continua sans changement notable
sauf que l'esprit breton alla en progressant.
En effet, avec les
prêtres diocésains davantage hommes du pays,
le sentiment
d'appartenance au Bro-Erec ou pays de Vannes et
à
la Bretagne s'intensifiant chez
les élèves, on vit de plus en plus sortir du collège
d'excellents humanistes bretons et de futurs écrivains.
Après ces années d'étude, Joseph-Anne revint à Sérent où il
s'initia peu à peu aux fonctions exercées par son père,
ce qui lui permit, en 1772,
de devenir contrôleur des actes à Locminé, petite cité
située à mi-chemin entre Vannes et Pontivy et à trois
kilomètres de Bignan une des futures capitales de la
Chouannerie .
(A cette
occasion, rappelons-nous que la mère de Joseph-Anne avait
habité Locminé avant son mariage).
En 1774,
Joseph-Anne Loaisel épousa en l'église Saint-Salomon de
Vannes (elle n'existe plus aujourd'hui) Thérèse-Noëlle de la
Villéon habitant le manoir de Trélogo en Assérac, paroisse
située dans la presqu'île guérandaise (2).
II faut
croire que cette région de ports et de marais salants
intéressait notre héros puisque l'année sui vante, 1775, il
devint contrôleur des actes au Croisic.
De ce port
pittoresque il lui était facile de rejoindre Trélogo,
domaine de ses beaux-parents, où naquit le 15 septembre
1775, une petite Marie-Jeanne Loaisel qui, hélas, décéda
quelques jours plus tard. Le 21 juin 1777, naquit au Croisic
une petite Jeanne-Thérèse-Mathurine qui épousera en 1795 à Jersey l'émigré
Bonaventure-François de Sceaux. Le 19 février 1780, naquit à
Piriac, Joséphine-Françoise LoaiseI.
Enfin, au manoir de
Trélogo, naquit le 23 mai 1783, un petit Jean-David seul
garçon de la famille.
Joseph-Anne
Loaisel passa onze années dans la presqu'île de Guérande.
Ce laps de
temps important lui permit de prendre contact et de se
familiariser avec les choses de la mer. Le Croisic, en effet,
était à cette époque un des principaux ports de Bretagne;
les pavillons de la plupart des pays d'Europe claquaient au
vent dans ses bassins ; les nombreux vaisseaux de commerce
en partance confirmaient le grand renom de ses marais
salants miroitant au soleil jusqu'aux abords de Guérande.
Une autre spécialité de ce port florissant était la pêche
à la sardine et celle de la
morue à Terre-Neuve.
Témoignage de Jean-Georges du Buat.
( Annales de
la société historique et archéologique de
Saint-Malo. Années 1823-1924. p145 à 148"
Ancien
receveur des Domaines du Roi, à Saint-Malo. Il est,
de tous les hommes de la coalition de Bretagne,
celui qui a rendu les plus grands sacrifices et qui
s'est attaché, d'une manière spéciale, au marquis de
la Rouerie. Aussitôt qu'il apprend qu'il se forme
une coalition, dont le marquis de la Rouerie devait
être le chef, il vole auprès de lui, à son château
de St-Ouen, et s'instruit des motifs qui anime
ce brave gentilhomme. Il voit ses pouvoirs, émanant
des Princes, frères du roi. Il sait, de lui, qu'il
veut briser les liens de son maître, détenu, en
quelque sorte, dans les fers, par l'Assemblée
législative, sauver le royaume de l'anarchie qui le
dévore, et rendre à la province de Bretagne son
ancien lustre, et ses droits et prérogatives. Il
n'en fallait pas tant au brave et loyal M. Loisel,
pour animer ses sentiments d'honneur. Son amour,
pour son illustre et malheureux souverain suffisait.
Il se dévoue, tout entier, à cette cause. Il jure au
marquis de la Rouerie, qu'il le secondera, en raison
de tous ses moyens physiques et moraux, et il a
prouvé qu'il était homme de parole. A son retour,
chez lui, il tient maison ouverte, il y traite les
plus braves des patriotes, il les ébranle par ses
raisonnements spécieux, et parvient à assurer, à la
Coalition, plusieurs d'eux. Il voit également les
vrais royalistes. Il les encourage, ranime les
faibles, travaille les femmes et les vieillards, et
détermine ceux-ci à verser des sommes, dans la
caisse de la Coalition, pour contribuer à son
succès. Le marquis de la Rouerie vient à Saint-Malo,
pour y établir un comité. M. Loisel en est le
premier membre. Sa maison est affectée, pour y tenir
les assemblées. M. le marquis de la Rouerie lui
laisse trente mille billets de la Caisse d'Escompte,
de 1.000# chacun, faisant partie d'une plus forte
somme, que M. de Calonne avait fait passer au dit
marquis de la Rouerie. M. Loisel les échange contre
de l'argent et des assignats, au risque de la vie,
s'il avait été découvert. Il fait plusieurs voyages,
au château de la Rouerie; il s'y trouve, toujours,
aux instants les plus périlleux, et il y manifeste
sang-froid, prudence et bravoure. Il fait , avec le
marquis de la Rouerie, le tour de la Bretagne. C'est
lui seul qui en fait le travail, par la connaissance
multipliée qu'il y avait, à l'infini, tant dans les
villes de premier ordre, que dans celles au-dessous,
même dans les châteaux et bourgs de campagne, au
point que le marquis de la Rouerie lui disait
souvent; tu es, mon ami, le créateur de la
Coalition. Il a encore fait, depuis le premier
voyage, deux ou trois tournées de la Province, seul.
C'est d'après des
preuves si sensibles d'attachements, que le marquis
de la Rouerie lui délivre le brevet de
Quartier-maitre de la Coalition de Bretagne, et le
nomme à ce grade. Il suffirait de le transcrire,
ici, pour donner la plus haute idée de M. Loisel, et
le cas distingué qu'en faisait le marquis de la
Rouerie; je me bornerai au préambule:
"pénétré de la parfaite
confiance qui est due, aux principes qui ont dirigé
votre excellente conduite, pendant le cours de la
Révolution, le courage, la sagesse, l'activité, la
générosité et le parfait dévouement , dont vous
n'avez cessé de donner les preuves les plus
évidentes, et en même temps les plus utiles, depuis
que vous êtes entré dans l'Association Bretonne,
pour l'avantage de la Religion, de la Monarchie, de
Sa Majesté et de la Province de Bretagne, etc. "
Cette Commission est du
10 avril 1793, et confirmée par celle des Princes,
frères du roi, du 1er juin suivant.
Au moi de juillet 1792,
M. le marquis de la rouerie est forcé d'abandonner
son château. Il devient errant et fugitif. Cet état
alarme M. Loisel. Il quitte et abandonne situation,
fortune, maison, pour aller auprès de son général,
partager avec lui ses risques et sa situation. Elle
devient cruelle. M. Loisel tombe sous un mandat
d'amener. Il est dénoncé et signalé comme traître à
la patrie, et devient proscrit, comme le marquis de
la Rouerie. malgré cette prescription, il fait
encore une tournée, en Bretagne, pour disposer les
coalisés, au moment de se présenter, qui paraissait
prochain. Il est assez heureux pour échapper à la
surveillance de la Nation. Après ce voyage, il
retourne, près de son chef, partager les chaumières,
les hameaux et les forêts, et aussi, souvent, un
morceau de pain sec, avant de dormir, au pied d'un
chêne. Enfin, sur la fin de novembre, il passèrent à
la Guyomarais. C'est là où périt, le 30 janvier
1793, le marquis de la Rouerie, d'une maladie que
ses fatigues continuelles lui occasionnèrent M.
Loisel lui donna tous ses soins, pendant 11 jours,
qu'elle dura. ..
|
Les nobles qui n'émigrent pas :
"Les nobles qui ne partent pas, s'ils ne sont
pas des patriotes affirmés sont, à priori,
considérés par les autorités comme des
contre-révolutionnaires potentiels. En Bretagne, on
reproche de ne pas avoir renié les serments et
déclarations de janvier 1789 et on les écarte
systématiquement de toutes les responsabilités
administratives, judiciaires et militaires. Ils se
confinent dans leurs châteaux ou se regroupent dans
certaines villes comme Tréguier, Vannes, Saint-Malo
et même Rennes où ils conservent de nombreux amis et
clients, à tous les niveaux du corps social, formant
des réseaux de complicités qui atténuent ou
détournent les mesures administratives ou policières
qui les concernent: contribution patriotique,
effacement des blasons sur les façades de leurs
hôtels, interdiction des livrées pour les
domestiques, paiement d'un remplaçant pour le
service de la Garde Nationale, etc. leur présence
agace les patriotes et provoque des incidents quand
ils refusent d'illuminer leurs fenêtres pour fêter
la prestation de serment des autorités ou le 14
juillet 1790..."
(Source: La noblesse entre l'exil et la mort.
Roger Dupuy Editions Ouest-France p47-48
|
Le marquis de la Rouerie: Le 2 mars
1792, le marquis de la Rouerie reçut des frères du
roi, à Coblence, une commission lui donnant tout
pouvoir et commandement en Bretagne et dans les
parties limitrophes en Bretagne et dans les parties
limitrophes des autres provinces. Et dans cette
commission les frères du roi demandent à la
noblesse de l'Ouest de ne plus émigrer: "
"...que les services qu'ils pourront rendre au
Roi et à l'Etat, en demeurant dans leurs provinces
et en se réunissant à cette coalition de zèle et de
fidélité, leur paraissent plus importants que ceux
qu'ils pourraient rendre au-dehors; et qu'en
conséquence, quelque honorables que soient les
motifs qui, dans les premiers moments, ont déterminé
plusieurs d'entre eux à venir se ranger sous les
ordres de leurs Altesses Royales, elles désirent que
le nombre n'en soit pas augmenté, et que les
gentilshommes qui, pour des raisons également
honorables, n'ont pas abandonné leurs foyers,
évitent de prendre le parti de l'émigration.
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Statue d'Armand TUFFIN,
Marquis de la Rouërie à Fougères

Plaque de la maison où
naquit Armand RUFFIN à Fougères
|
(Source: La noblesse entre l'exil et la mort.
Roger Dupuy Editions Ouest-France p47-48 |
(2) Thérèse de la Villéon était la fille de Charles de la
Villéon, chevalier, dont la mère était une de Goyon-Matignon.
Joseph-Anne
Loisel. Un héros de la coalition bretonne 1752-1812. Even
Erlannig. Coop Breiz 1994- Page 23 |